Le dossier Maison des écrivains et de la littérature ne s’est pas encore refermé. Cette institution littéraire, présente dans le paysage parisien depuis 1986, était installée dans le 16e arrondissement de Paris jusqu’en juin dernier. L’association a été placée en liquidation judiciaire, après le tarissement progressif de ses financements publics.

ActuaLitté a enquêté, dès 2022, sur la situation de la « Mél », qui multipliait déjà les appels à soutien et les tribunes dénonçant la baisse continue de ses subventions publiques. D’autres alertes méritaient toutefois d’être entendues, puisqu’à l’intérieur de la structure, des voix signalaient la « souffrance des équipes et des arrêts de travail récurrents ».

Un audit devait même être mené par la Direction régionale des affaires culturelles de l’Île-de-France, pour étudier le « modèle économique de l’association, porté par une gouvernance qui la met régulièrement en risque de cessation de paiement et fragilise une équipe de chargés de mission reconnus pour leur professionnalisme ». La Drac IdF nous assurait que cet audit n’avait jamais été réalisé, quand la direction de la Mél avançait le contraire.

En 2023, la gestion de la Maison des Écrivains et de la Littérature est à nouveau mise en cause, quand sa vice-présidente, Malika Wagner, démissionne, considérant qu’elle ne peut travailler dans de telles conditions. « Je constate une opacité dans la gouvernance qui rend impossible son fonctionnement démocratique puisque la direction verrouille les informations essentielles, notamment budgétaires, qui sont nécessaires au respect du statut de la vice-présidence », indiquait-elle dans son courrier de départ. Son signalement avait relancé les interrogations quant à la situation au sein de l’institution.

Des faits de « discrimination » et de « harcèlement »

Ce lundi 29 septembre, une audience du conseil de prud’hommes de Paris évoquera la situation au sein de la Maison des Écrivains et de la Littérature, a appris ActuaLitté. Chargée de l’administration et de projets pour l’institution, Nelly George-Picot « a saisi le conseil de prud’hommes en mars 2024 des faits de discrimination et de harcèlement qu’elle estime avoir subi, du fait de son rôle de représentante du personnel et de son appartenance à un syndicat, par le président de la Mél, M. Jean-Yves Masson [président entre 2018 et 2023, NdR], et sa directrice, Mme Sylvie Gouttebaron [directrice de 2004 à 2025, NdR] », nous indique son avocat, Me Paul Beaussillon.

Les faits remonteraient « au moment de la mise en place d’un CSE, en septembre 2021 », précise-t-il. « Cette création n’a pas été acceptée par le président de la Mél, car elle s’accompagnait d’un certain nombre de questions sur l’avenir de l’association. Elle a ensuite été, dans l’exercice de ses fonctions, isolée et privée d’autonomie, ainsi qu’entravée dans l’exercice de son mandat. »

« Un premier arrêt maladie a été déclaré en fin d’année 2021, avant une reprise, puis un nouvel arrêt. Tous deux étaient exclusivement liés à sa situation professionnelle », ajoute encore l’avocat de Nelly George-Picot.

Le syndicat SUD Culture, qui « estime que les faits examinés par le conseil de prud’hommes ont porté préjudice aux professions qu’il représente », s’est constitué intervenant volontaire dans cette procédure. « Dans cette affaire, le syndicat considère que les faits relèvent de la discrimination syndicale : Mme Nelly George-Picot a été attaquée parce qu’elle a été élue et parce qu’elle a posé des questions à la direction, dans le cadre de son mandat », souligne Me Lucie Marius, conseil du syndicat SUD Culture.

Une demande de résiliation judiciaire

Le conseil de prud’hommes de Paris a été saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Nelly George-Picot, qui « a été déclarée inapte en juin 2024, mais l’Inspection du travail avait refusé son licenciement après avoir relevé des faits de discrimination en raison de son rôle de représentante du personnel », explique Me Beaussillon. « Je tiens à souligner qu’une autorité compétente a donc déjà constaté ces faits de discrimination et de harcèlement par une décision particulièrement motivée qui n’a pas fait l’objet de recours », ajoute-t-il.

« Selon elle, Mme George Picot a fait office de paratonnerre, puisque la direction n’était pas prête à avoir un dialogue avec représentant du personnel qui exerce ses prérogatives, c’est-à-dire quelqu’un qui demande des informations sur la vie de l’association pour en faire part à ses collègues et les défendre », rapporte l’avocat. « Il y a bien d’autres collègues qui ont ressenti une forme de harcèlement, mais celui dont Mme George Picot a fait l’objet se distinguait par le lien avec l’exercice de ses mandats.

Le syndicat SUD Culture, pour sa part, suivait la situation au sein de la Mél « de très près », dès 2021, rappelle Me Lucie Marius : « Il est tout à fait légitime que le syndicat soutienne la salariée, et qu’il demande cette double condamnation afin que soit réparé le préjudice de Mme George-Picot, mais également le sien, au titre du préjudice porté à la profession. »

L’organisation syndicale s’était interrogée, dans nos colonnes, sur l’attitude du ministère de la Culture vis-à-vis de la Mél. En effet, en 2022, la rue de Valois avait dépêché deux inspecteurs des affaires culturelles sur place, lesquels avaient interrogé des salariés de la structure, mais aussi la directrice et le président. Malgré ces auditions, leur rapport ne sera jamais publié par le ministère de la Culture.

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« Le syndicat n’a jamais obtenu de réponses à la plupart des demandes adressées aux financeurs de la Mél. Le syndicat estime que cette maison a été délaissée et que la gestion a été abandonnée à une direction qui travaillait dans une opacité totale », déplore le syndicat SUD Culture par la voix de Me Lucie Marius. « Personne n’a souhaité venir au secours des salariés. Il est assez surprenant de constater à quel point la Maison a été abandonnée par le ministère, alors que la recherche d’autres sources de subventions ne fonctionnait pas. »

Nous avons tenté de joindre Jean-Yves Masson et Sylvie Gouttebaron, sans succès pour le moment

Mise à jour 30/09 :

Le cas de la Maison des Écrivains et de la Littérature a été renvoyé à l’audience du 12 février 2026 à 13 heures, pour mise en cause des organes de la liquidation.

Photographie : L’immeuble qui abritait la Maison des écrivains et de la littérature, dans le 16e arrondissement (Celette, CC BY SA 4.0)